Le 9 avril 2025, à l’occasion du débat organisé au Sénat sur la « santé mentale, grande cause du Gouvernement pour l’année 2025 : quels moyens pour en faire une priorité ? », j’ai interpellé le Ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins dans le cadre du débat pour insister sur l’urgence d’une réponse globale et coordonnée.
Simon Uzenat :
Nous le voyons bien au travers des diverses interventions, la question de la santé mentale n’est plus une bombe à retardement, elle est désormais une bombe à fragmentation, dont les dépressurisations psychologiques se sont multipliées à la faveur de la crise sanitaire, qui a agi comme un accélérateur ou un amplificateur.
Il suffit pour s’en convaincre de constater que les maladies psychiatriques sont devenues les premières affections de longue durée chez les moins de 30 ans. À cet égard, nous pouvons regretter qu’il ait fallu attendre cinq ans pour faire de la santé mentale une grande cause nationale.
Entre 2020 et 2022, 24 % des établissements psychiatriques ont été contraints de fermer de 10 % à 30 % de leurs lits, contre 5 % avant 2020. Les professionnels parlent de point de rupture des capacités d’hospitalisation. Comme vous le savez, monsieur le ministre, très peu d’étudiants ayant réussi le concours de l’internat choisissent la psychiatrie. À l’heure actuelle, 23 % des postes de psychiatre à l’hôpital public sont vacants.
Si les causes sont diverses, les professionnels évoquent avec insistance la question de la responsabilité juridique. Quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?
Il convient d’adopter une démarche globale et coordonnée sur le modèle de ce qui a été réalisé dans la lutte contre le cancer, pour laquelle un institut national spécifique a été créé. Quelle est votre position sur le sujet ?
Comme l’ont rappelé plusieurs de mes collègues, nous sommes tous concernés par la santé mentale. Il ne faut pas oublier que les personnes âgées sont, à côté des jeunes, les autres grandes victimes de ces dérèglements.
Pour mieux les prendre en charge, il est nécessaire que les équipes médicales évoluant dans le champ de la psychiatrie se coordonnent davantage avec les autres équipes médicales. Nous avons tous vécu des expériences personnelles au cours desquelles la dimension psychiatrique de la prise en charge médicale n’a pas été prise en considération ou l’a été insuffisamment.
Par ailleurs, le lien avec les proches est un sujet fondamental pour les patients majeurs. En effet, les troubles mentaux ont des incidences sur la vie de tous les proches des patients concernés.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Uzenat, je regrette comme vous les fermetures de lits dont souffre actuellement la psychiatrie. Au risque de me répéter, je rappelle qu’il est fondamental de former plus de soignants pour en rouvrir un maximum.
Dans 40 % des cas, l’entrée dans un parcours de soins psychiatriques se fait par la voie des urgences. Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau m’ont remis leur rapport d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques et j’espère bien traduire plusieurs de leurs recommandations par des mesures réglementaires.
Je souhaite également la présence d’un référent dans tous les services d’urgence de notre pays pour prendre en charge les patients psychiatriques, qu’il s’agisse d’un infirmier en pratique avancée ou d’un médecin. Nous savons bien que lorsque les flux entre malades organiques et psychiatriques s’entremêlent, cela complique la gestion du quotidien.
J’ai bien en tête la question de la responsabilité juridique. Si les étudiants ne choisissent pas la psychiatrie et disent en avoir peur, ce n’est pas seulement à cause des tableaux cliniques des malades. Ils pensent évidemment au risque de récidive d’un patient qu’ils auraient laissé sortir d’hospitalisation. Sachant que 30 % des détenus en France souffrent de troubles psychiatriques, nous mesurons bien le degré de responsabilité que représente la remise d’une autorisation de sortie ou d’un avis psychiatrique. Les groupes d’évaluation départementaux (GED), par exemple, demandent également la présence systématique d’un psychiatre en leur sein.
Le problème de la responsabilité juridique existe donc, et il faut pouvoir en parler et l’expliquer.
Vous proposez, si je comprends bien, de créer un institut national sur le modèle de l’Institut national du cancer (Inca). Je n’y suis pas vraiment favorable. L’heure n’est pas à la création de superstructures. Mon objectif est de restaurer l’attractivité de la psychiatrie. Nous devons donner envie à notre jeunesse de s’investir dans cette filière.
Simon Uzenat :
Il faut bien sûr former plus de soignants, mais il faut aussi donner envie à nos jeunes internes de s’orienter vers la psychiatrie. Par ailleurs, vous évoquez une forme de saupoudrage de la prise en charge, monsieur le ministre, sur laquelle je vous invite à la prudence.