Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, pour reprendre l’intitulé du thème de notre débat, plus que jamais nous pouvons dire que la décentralisation est l’avenir.
Nos citoyens sont aujourd’hui en colère, voire défaitistes, face à l’impuissance publique. L’une des meilleures solutions est le pouvoir d’agir local et la libre administration de nos collectivités.
Vous l’avez dit, d’une certaine manière, face à la crise démocratique – nous en sommes tous conscients –, nous avons besoin de proximité, de reconnaissance, de différenciation. C’est le message que les citoyens nous adressent.
Pour cela, il faut un État qui se concentre sur le régalien, qui assure la péréquation pour garantir cette égalité républicaine et qui laisse aux collectivités territoriales la responsabilité de la vie quotidienne de nos forces vives : nos citoyens, nos associations, nos entreprises.
Je souhaite, madame la ministre, centrer mon propos sur quelques sujets que vous connaissez bien, vous qui avez été une parlementaire bretonne et qui restez bretonne dans l’âme.
Le premier point d’attention est l’autonomie, un sujet porté avec conviction par la région Bretagne en tant que collectivité, ainsi que par l’ensemble de ses élus. Cette autonomie s’entend de façon très large, mais en particulier dans sa dimension financière et fiscale.
Vous avez précédemment évoqué le nécessaire équilibre entre les dotations et le levier fiscal. Force est de constater que cet équilibre est aujourd’hui inexistant, puisque près de 80 % des recettes réelles de fonctionnement et d’investissement, notamment des départements et des régions, procèdent de transferts financiers de l’État et que les paniers de recettes sont complètement déconnectés des compétences des collectivités. Vous avez cité à ce titre les départements, mais c’est vrai également pour les régions : celles-ci perçoivent des taxes sur les cartes grises ou sur l’essence, alors qu’elles doivent promouvoir les mobilités décarbonées…
Quelles mesures concrètes proposez-vous à cet égard ?
Mon deuxième point d’attention concerne le pouvoir réglementaire local, sujet que vous connaissez bien, madame la ministre. Très concrètement, il s’agit de faire confiance aux élus locaux. C’est tout le sens de la différenciation entre nos territoires : oui, une péninsule, un territoire de montagne, une île, présentent des réalités spécifiques, et, en matière de transition écologique, les mêmes solutions ne sauraient s’appliquer uniformément sur l’ensemble du territoire national.
Nous sommes aujourd’hui dans un entre-deux : la notion d’« autorité organisatrice » a été mise en avant, mais sa traduction concrète dans les faits tarde à se réaliser.
Nous évoquons les uns et les autres des actions concrètes. L’article 72 de la Constitution offre des pistes de travail. En outre, des propositions de loi constitutionnelle ont été déposées, mais, dans la période actuelle, nous aurons sans doute du mal à utiliser cet outil. Par conséquent, madame la ministre, quelles actions concrètes et urgentes le Gouvernement pourrait-il déployer pour que les élus puissent enfin voir se matérialiser cette confiance que nous entendons leur accorder ?
Ma dernière question, madame la ministre, porte sur la consultation démocratique tant attendue par les Bretons et par les habitants de la Loire-Atlantique, afin qu’ils puissent enfin donner leur avis sur le rattachement de ce département à cette région, reconstituant ainsi la Bretagne historique.
Mme Françoise Gatel, ministre. Ah !
M. Simon Uzenat. Nous estimons que cela doit être le fruit d’un processus démocratique. Les précédents gouvernements s’y étaient engagés, notamment en 2024. Prévoyez-vous enfin d’actionner les leviers pour que cette consultation puisse avoir lieu ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Uzenat, il ne vous aura pas échappé, cela a été souligné précédemment, que l’existence du Gouvernement est très précaire, son espérance de vie est incertaine.
Nous avons la volonté d’avancer et d’aborder un certain nombre de sujets. Il faudra notamment entreprendre la révision constitutionnelle de l’article 72, afin de permettre la différenciation.
Pour ce qui est du pouvoir réglementaire local, c’est une vraie question, qui suscite à la fois de l’envie et de la peur. Je le rappelle, ce pouvoir réglementaire local est accordé aux communes depuis la loi du 5 avril 1884, mais il n’est pas très connu et il n’est pas utilisé. Depuis 1983, cette compétence est également accordée aux départements et aux régions. Ainsi, comme le dit le sénateur Chaize, « y a plus qu’à » ou presque.
Je veux en outre souligner la nécessité d’une cohérence entre les compétences et les ressources. Le panier de ressources doit permettre de faire face aux dépenses ; il faut donc des dotations adaptées et un levier fiscal. Il existe déjà une liberté d’agir, puisque, l’année dernière, vous avez décidé de permettre aux régions de percevoir un versement mobilité. Certaines régions s’en sont saisies, dont la Bretagne, mais pas toutes.
Vous m’avez enfin posé une question un peu centrée sur la Bretagne, mais il s’agit en réalité d’une vraie question de fond. C’est le maréchal Pétain qui a mis fin à la Bretagne à cinq départements : les quatre départements que nous connaissons aujourd’hui, auxquels s’ajoutait la Loire-Atlantique. Le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne est depuis longtemps un sujet de débat. Cela aurait sans doute une certaine cohérence, mais, sans modifier ma position personnelle sur le sujet, cette question exige un traitement responsable ; on ne saurait rattacher un département à une région sans s’interroger sur l’avenir les départements qui demeurent dans la région d’origine. Parlons-en.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Nous avons beaucoup parlé de confiance. Or la confiance repose sur le respect de la parole de l’État, laquelle est aujourd’hui gravement mise en cause.
Nous le constatons notamment à la lecture du projet de loi de finances, madame la ministre. Lorsqu’il est question d’une compensation à l’euro près, puis que l’on y revient, notamment au travers du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, les règles du jeu se trouvent modifiées en cours de mandat. Une telle instabilité ne favorise pas la confiance. Il faut de la cohérence entre la parole et les actes et nous en sommes pour l’instant très loin.
Vous évoquiez un budget de redressement, madame la ministre. Oui, le redressement s’impose, mais il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal, car, en l’occurrence, vous vous attaquez à l’un des moteurs essentiels de la croissance, du développement économique et du soutien à l’emploi local. Nous le réaffirmons, la préservation des moyens d’action des collectivités permet de soutenir le rebond économique, notamment via la commande publique.
Enfin, j’ai bien entendu votre remarque sur le versement mobilité régionale et rurale. Nous plaidons justement pour offrir un bouquet de solutions aux collectivités locales, notamment aux régions, via une taxe de séjour additionnelle. Libre à elles ensuite de choisir parmi des options. Ce dispositif existe pour la région Île-de-France ; nous souhaitons qu’il puisse s’appliquer à l’ensemble des régions françaises.
